Paul Aron et Laurence Brogniez : changer de focale

   

« Au départ, Laurence a co-promu un projet d’Action de recherche concerté (ARC) consacré à Bruxelles » raconte Paul Aron.

« Mené en collaboration avec des architectes, des géographes, des historiens de l’art, des musicologues, ce projet montrait à quel point l’on peut croiser des regards communs bien que différents sur Bruxelles ».

Dans ce cadre, les chercheurs ont produit une série de cartes « la géographie nous servant de langage commun ».

Enrichissant sur le plan humain

C’est dans ce cadre que les deux spécialistes de littérature belge francophone ont commencé à rassembler une série de textes en lien avec des lieux spécifiques de Bruxelles. « Il existe un lieu commun tenace selon lequel les écrivains bruxellois dénigrent leur propre ville : c’est pourtant loin d’être une loi générale ! » sourit Paul Aron. Un corpus de textes de fiction, de poèmes, de pièces de théâtre, etc., se situant à Bruxelles, prend forme. « L’ensemble dessine un imaginaire des écrivains sur la ville » observe le chercheur. « Il ne s’agit pas forcément d’une narration, mais le tout, mis en série, devient extrêmement significatif ». Au point de donner envie à Laurence Brogniez et Paul Aron de développer ces Guides littéraires concentrant, au départ d’une carte, des promenades en fonction des citations recensées, quartier par quartier.

Les chercheurs ont commencé par le Solbosch avant de cibler une zone « mal aimée » : celle du Canal, allant d’Anderlecht vers Molenbeek. « Une zone très importante dans Bruxelles », objet d’enjeux urbains stratégiques. Quatre ouvrages ont déjà été publiés, le cinquième, plus conséquent, qui portera sur le Pentagone, est en cours de confection.

« Nous ne voulions pas nous contenter d’une anthologie » explique Paul Aron. Ainsi, les cartes, au début des guides, décrivent une balade d’environ cinq kilomètres que le lecteur peut parcourir en portant un regard neuf sur ces lieux racontés.

« Ce qui est très chouette dans cette collaboration entre Laurence et moi, c’est qu’il n’est pas si commun de travailler ainsi à deux au sein de l’Université où les chercheurs sont assez isolés, particulièrement en sciences humaines ! C’est pourtant très enrichissant sur le plan humain ».

« Une écriture plus directe »

Ce travail de vulgarisation se comprend tout de suite lorsque le lecteur tient un des guides en main : « Tout le monde a la même réaction : une surprise face à la matière littéraire existante sur ces communes, à laquelle on n’a jamais songé et dont on ignorait l’existence… ». Car Laurence Brogniez et Paul Aron ont compulsé de nombreuses archives pour chiner des auteurs et autrices parfois méconnues : « Cela va de Suau de Varennes à des rappeurs molenbeekois : depuis le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, nous avions à cœur de raconter ces lieux par les regards de ces écrivains et écrivaines ».

« Pouvoir exprimer ainsi, de manière lisible, dans une écriture plus directe que celle liée aux articles scientifiques remplis de notes de bas de page, est très important. Non seulement cela permet de diffuser le savoir, mais cela nous oblige aussi nous, chercheurs, à changer de focale et à formuler de nouvelles questions ».